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Le Blog de l'Innovation et des RH

Recruter "à la Mode Escape Game" n’est pas une Innovation RH au service de meilleurs Recrutements

Faire passer un Escape Game pour sélectionner et recruter n’est pas quelque chose d'innovant en RH

Faire passer un Escape Game pour sélectionner et recruter n’est pas quelque chose d'innovant en RH

Au lancement de ce blog en 2011, quasiment personne ne parlait d’innovations en RH. Ce n’était tout simplement pas un sujet. D'ailleurs, certains n’arrivaient même pas à concevoir que le domaine des RH puisse être propice à quelques innovations que ce soit... Aujourd’hui il en est tout autrement. A l’extrême inverse, on nous sert d'ailleurs dorénavant l'idée d’innovations en RH à toutes les sauces... à en frôler l’indigestion. Ceci, alors même qu’à bien y regarder, il ne s’agit généralement pas de véritables innovations. En effet, toute idée un tant soit peu nouvelle, ou créative, n’est pas automatiquement et systématiquement  innovante ! 

En la matière, il y a des pratiques et approches en RH, qui parce qu’elles viennent régler un dysfonctionnement, combler un manque ou proposer une amélioration de l'existant, et de ce fait aboutissent à une proposition de valeur reconnue et partagée, peuvent alors être apparentées à de réelles innovations RH. Et puis, il y a le reste… Des approches qui répondent à un critère de nouveauté, une logique de forme, sans pour autant s’inscrire dans une logique de fond et de valeur.

Il ne suffit pas plus, d'associer deux idées, deux domaines, deux approches distinctes, etc. pour que la résultante s'apparente nécessairement à quelque chose de réellement innovant.

En guise d'exemple, imaginons que je possède une voiture, que je veuille contribuer à réduire la pollution, et arrêter d'acheter du carburant dont le prix ne cesse de grimper. Ceci, sans pour autant avoir l'intention d'en racheter à court terme une nouvelle à énergie électrique. Et si d'un coup je me disais : "mais comment faisions-nous avant les voitures ?... Mais oui, nous avions des chevaux !..."... et bam, l'idée du XXIème siècle... !!! : "Inventer un dispositif permettant d'atteler un cheval à n'importe quelle voiture, et capable de transmettre les commandes du volant, de l'accélérateur et du frein au harnais du cheval !... Bref, le confort de ma voiture d'aujourd'hui, sans changer mes pratiques de conduite, et avec un principe de locomotion écologique, ce qui est dans l'air du temps !... Elle n'est pas belle la vie ? Elle n'est pas grandiose mon innovation incroyablement géniale ?..."

Et bien non !... allez vous me dire... "Elle n'est pas innovante ton idée, elle est... euh... débile !... Même si tu parvenais à créer ce fameux dispositif d'attelage et transmission... faire tracter en l'état ta voiture de plus d'une tonne par un cheval c'est du grand n'importe quoi !"... 

Cet exemple par l'absurde étant posé, imaginons maintenant que nous remplacions l'idée du rapprochement entre la voiture d'un côté et du cheval de l'autre, par une nouvelle tendance RH émergente, fondée sur l'idée du rapprochement entre le Recrutement d'un côté, et la mode actuelle de l'Escape Game de l'autre... et bam... le recrutement du XXIème siècle en mode Escape Game !?... Elle n'est pas belle la vie ? Elle n'est pas belle cette innovation RH pour cibler les Soft-Skills ? Cette nouvelle méthode de recrutement ? Cette manière décalée de recruter ?, etc. ?

Et bien non !... Mettre des candidats en situation d'Escape Game pour opérer une sélection, n'a rien d'une réelle innovation RH au service d'un meilleur recrutement ! Et arguer d'une évaluation par cette entremise, de quelques Soft-Skills que ce soit, ne change rien à l'affaire :

Feriez-vous jouer vos candidats au Mikado pour évaluer leur capacité de gestion du stress, de concentration et de contrôle émotionnel ? Au Mastermind pour mesurer leur sens de la déduction et de la résolution de problème ? Au Memory pour leur faculté d'observation ? Au Pictionary pour identifier leur capacité à communiquer et à faire passer leur message ? Aux Échecs pour mesurer leur aptitude à la logique, à l'adaptation et à avoir une vision stratégique ? Au Marshmallow challenge pour identifier leur créativité, leur leadership ou leur capacité de collaboration ? Et pour cause, d'une part vous auriez conscience qu'il n'y a pas de transposition directe entre ces situations et des situations concrètes de travail, et d'autre part, comment iriez-vous justifier à votre candidat que vous ne le présélectionnez pas parce qu'il a perdu au Mikado, au Memory ou à la partie d’Échecs ?

Et quand bien même, pourquoi alors ne pas se simplifier la vie et la sélection en faisant jouer les candidats à pile ou face pour évaluer s'ils ont ou non de la chance dans la vie et dans leurs projets professionnels... ?... "Pile, tu es quelqu'un de chanceux et tu es donc sélectionné.e... Face... dommage..."

Bref, faire preuve de créativité, d'imagination, d'ingéniosité en tant que RH pour travailler à des approches permettant de professionnaliser son recrutement, d'optimiser rigoureusement sa méthodologie de prise de décision, etc. est une chose, et est source potentielle d'innovation en RH. En revanche, transposer en pratique de recrutement la mode du moment, sans autre dynamique d'analyse de la pertinence et de la validité des prises de décisions qui peuvent en résulter en est une autre. Et en ce sens, imaginer par ce biais identifier de manière effective les véritables comportements de personnes, tels que mis en oeuvre en situation réelle de travail avec des collègues et dans le temps, sur la base d'une mise en situation de jeu, d'enjeux et de concurrence potentielle entre des candidats, qui ne se connaissent pas et ne savent pas sur quelles dimensions ils sont évalués... n'est rien d'autre qu'un leurre.

Au même titre qu'un scientifique réalisant dans son laboratoire des expérimentations "in vitro" vous dirait que ses résultats ne sont en rien unilatéralement transposables en l'état "in vivo"...

En d'autres termes tout comme dans une expérience "in vitro", ce que vous pouvez dans le meilleur des cas identifier, via une observation de candidats en situation d'Escape Game, n'est ni plus ni moins que ce qui se passe dans ce cadre très précis, sans autres transpositions fiables possibles au delà de ce contexte particulier. Et cela, par ailleurs, sans aucune certitude que tel ou tel candidat n'aurait pas eu un autre comportement, s'il avait été avec d'autres candidats, qui eux-mêmes auraient eu d'autres comportements...

Prenez par exemple, un individu avec un leadership naturel, interagissant en Escape Game dans un groupe d'inconnus enclins à être "plus sur la réserve" que lui. Sa posture de leader aura alors potentiellement plus facilement tendance à s'exprimer dans ce contexte. En revanche, s'il avait été dans un groupe avec d'autres profils de leaders quelques peu affirmés, quel aurait été son comportement ? Aurait-il pris le leadership du groupe et mis cette caractéristique en avant de la même manière ? Aurait-il laissé le "lead" à quelqu'un d'autre pour adopter un comportement de coopération ou d'exécution au service de la réussite du groupe ?... Et dès lors, n'auriez-vous pas évalué différemment la "capacité de leadership" de ce même et unique candidat, en fonction de ces deux situations distinctes ?

Cela étant donc posé, au-delà du fait que présélectionner des candidats sur la base d'un "Escape Game" n'a en tout état de cause pas plus de valeur prédictive sur leurs comportements effectifs en réelle situation de travail, et leurs capacités ou non à réussir dans leurs fonctions, que si vous réalisiez une pré-sélection en les envoyant sur Koh Lanta ou Fort Boyard : Certains aspects de la démarche de mise en oeuvre d'un Escape Game en matière de recrutement, menée à ce jour par l'une ou l'autre entreprise, méritent malgré tout d'être considérés spécifiquement :

Ainsi, si l'on s'intéresse par exemple à l'expérience de PWC, qui témoignait lors de la #rmsconf 2018 de son expérience de l'introduction de séquences d'Escape Game dans son processus de recrutement, il en ressort explicitement à la fois une motivation et une finalité, toutes deux bien distinctes d'une seule volonté de sélection. En l'occurrence, la mise en place de l'Escape Game pour PWC :

1/ répond avant tout à un enjeu de différenciation auprès des candidats vis à vis de la concurrence et donc un enjeu d'image employeur "plus fun",

2/ n'est réalisée que dans le cadre spécifique d'un processus de sessions de "recrutements quantitatifs" de jeunes diplômés sur les métiers de l'audit,

3/ et vient remplacer une séquence d'Assessment, qui a priori semblait plutôt mal vécue dans l'ensemble par les candidats.

 

L'Escape Game, un levier d'Image Employeur dans certains cas spécifiques de recrutement ?

 

En cela, PWC témoignant d'une augmentation de 10% de la proportion de candidats acceptant les offres d'emplois proposées, il semble dès lors que dans ce contexte particulier de recrutement, cette finalité de différenciation soit en l'occurrence a minima porteuse.

On comprend dès lors dans cette perspective, de jeunes diplômés ayant le choix entre différents grands noms de l'audit "qui se ressemblent", tant dans leurs propositions d'emplois que dans les réalités des jobs; que la mise en place d'un Escape Game pour ces embauches, relève tout particulièrement d'une approche visant à donner aux candidats la sensation que l'entreprise est d'un certain point de vue comparativement plus fun que les autres.

En regard de la contingence de ce type de recrutements, et au delà de l'effet "d'augmentation du taux d'acceptation des offres", Il serait dès lors intéressant de mesurer dans le temps le devenir de ces jeunes embauchés, une fois l'effet différenciateur passé. En d'autres termes par exemple, quel est leur taux de rétention au bout d'un an, deux ans... ? Restent-t-ils par exemple plus longtemps, autant ou moins que leurs ainés qui n'en passaient pas par l'Escape Game ? En effet, si en tant que candidat, je n'ai d'autre motif influant ma prise de décision d'accepter une offre dans telle entreprise plutôt que telle autre, que celui fondé sur la base d'une séquence de recrutement dont la finalité majeure est de m'attirer : quels seront les fondements de ma motivation et de mon sentiment d'appartenance à l'entreprise dans le temps ?

En ce sens, et pour terminer sur le sujet, je m’appuierais volontiers sur un tweet de Marie-Pierre Fleury, pour rebondir avec humour et de la sorte sur une piste potentielle d'usage de l'Escape Game, qui pourrait pourquoi pas être intéressante à approfondir en matière de processus de recrutement et d'identification de certaines aptitudes des candidats,... ;)... à savoir :

 

« La principale aptitude qu’il mettra en exergue est, comme son nom l’indique, la capacité à s’échapper... de l’entreprise ! »

 

... et donc si finalement la mise en place d’un « Escape Game » dans son processus de recrutement n’était alors non pas une manière d’identifier ceux qui réussissent pour les embaucher,... mais à l’inverse, une approche pour identifier ceux qui n’arrivent pas à s’échapper ?!... Et donc, dans une stratégie de rétention des collaborateurs, de s’assurer  de sélectionner ainsi ceux qui n’arriveront pas de sitôt à quitter votre entreprise !!... Voilà qui serait innovant, non ?... ;)

 

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R
Je découvre le concept d'escape game! Merci pour ces explications. Article intéressant à lire!
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