5 Janvier 2015
Le déclic... le flash... l'illumination... peu importe le terme, qui n'a pas un jour vécu cet instant où l'on bascule... "ça y est, j'ai compris !" ... "ça y est, j'ai trouvé !", "Mais oui, c'est évident !", etc. ?
Il en est ainsi de l'innovation et de son processus, qui passe tant par des phases d'observations inconscientes ou conscientes, d'analogies, des phases de maturation, de prise de recul, de sérendipité, de réflexion, etc. et au final un déclic, un "choc de perception", cet instant où l'on passe distinctement d'un avant à un après...
A titre d'exemple, Blablacar est ainsi né dans l'esprit de Frédéric Mazzella suite à une problématique de trains complets alors qu'il voulait rejoindre sa famille pour Noël, de son expérience passée du covoiturage aux Etats-Unis, et donc de la prise de conscience qu'il y avait quelque chose à imaginer : "Il a alors un flash... il imagine toutes les possibilités d'un service de covoiturage synchronisé via internet et téléphones mobiles, qui permettrait de partager des trajets..."
Dans cette perspective, si en ce début de nouvelle année je n'avais qu'un voeu pour 2015, ce serait qu'une majorité de professionnels de notre fonction RH ait ce déclic. Qu'ils prennent réellement conscience d'un certain nombre de réalités, de problématiques, pour innover et agir dans le bon sens. En effet, n'est-il pas paradoxal, qu'alors même que le ressenti à l'attention des professionnels RH soit généralement mitigé, si ce n'est négatif, à l'inverse, du côté des RH, cela semble aller plutôt bien ?
Ainsi, à en croire l'étude 2014 de l'ANDRH "Enjeux et défis de la fonction RH", les DRH sont bien dans leur fonction, mais peu visionnaires". Ils s'estiment bien dans leur périmètre de fonction, qui reste traditionnel, et considèrent que les évolutions de l’environnement bouleverseront peu leurs missions au cours des années à venir... Dans la même perspective, l'étude du BCG "Creating People Advantage 2014-2015" met en avant que dans quasiment tous les domaines RH, les répondants RH évaluent plus fortement leurs propres capacités, aptitudes et compétences, que ne le font les "non-RH". Et pire encore, les professionnels RH estiment qu'aucun de leurs domaines de compétences ne nécessitent d'actions urgentes, là où les répondants non-RH ont classé plus d'une dizaine de ces domaines, sur 27, comme ayant un besoin urgent de mesures !
En d'autres termes, dans de nombreuses organisations, et dimensions, la fonction RH est considérée comme ne répondant pas, ou pas assez aux attentes de ses clients internes. Ceci, alors même qu'elle se croit au rendez-vous ! Qui plus est, dans un monde où les changements s'accélèrent, elle s'estime "bien dans son modèle", moins concernée et impactée que les autres... Bref, notre fonction RH fait semble t-il montre de pas mal d'ingrédients pour être "à côté de la plaque"... Par analogie, Kodak était bien dans son modèle, mais au final pas assez visionnaire... Nokia était bien dans son modèle, mais au final... etc.
Dès lors, il s'agit de considérer qu'il y a au moins deux niveaux de prise de conscience. Le premier est la prise de conscience de l'existence même d'un problème. Le second est de prendre conscience qu'il doit y avoir d'une manière ou d'une autre, une façon d'appréhender une solution pour s'extraire du problème considéré.
Alors, en tant que professionnel RH, de quoi faudrait-il prendre conscience ?
Et bien, et pourquoi pas par exemple, commencer par prendre conscience :
Qu'inlassablement les "règles du jeu" changent, et cela de manière de plus en plus accélérée. Et dans ce contexte, que nos habitudes de gestion et d'approches RH mises en oeuvre depuis plusieurs années trouvent de plus en plus leurs limites, voire deviennent contre productives.
Que les attendus de nos différentes parties prenantes ont évolué et continuent à évoluer. Et qu'il est alors peut-être grand temps de repenser son approche du recrutement, de la GPEC, du management des talents, du management, de la formation, de la mesure de la performance RH, etc.
Que ce n'est pas en reproduisant systématiquement des pratiques et méthodes héritées des décennies passées que nous contribuerons au succès de nos structures ! L'ère est au Smartphone, et nous continuons encore souvent à mettre en place et à recourir à des techniques datant des périodes où les téléphones étaient majoritairement filaires et à cadrans...
Que lorsque l'environnement, les conditions, les comportements changent, il devient paradoxal de conserver les mêmes approches, grilles de lecture, outils, méthodes, processus, croyances, etc.
Que la vague numérique grossit chaque jour un peu plus, et qu'en fonction des entreprises, de leurs activités, lorsque cette vague deviendra visible "depuis le rivage RH", il sera trop tard pour échapper à ce qui sera alors devenu un tsunami en termes de reconfiguration des compétences nécessaires, de destruction d'emplois, etc.
Que les collaborateurs de l'entreprise sont des Humains, et donc avant tout des êtres émotionnels. Or, nous continuons à nous appuyer, "nous retrancher" derrière des approches et procédures rationnelles de gestionnaires niant par nature ces dimensions émotionnelles.
Que la place de la fonction RH n'est pas seulement la résultante des moyens "qui lui sont donnés", ou "de la place qu'on lui laisse", mais résulte plus profondément du Leadership dont elle fait preuve, et du sens qu'elle donne à ses contributions. Qui plus est, on ne convainc pas en argumentant et en théorisant, mais en étant exemplaire et dans la pratique.
Que l'innovation ne se décrète pas, qu'il ne suffit pas de copier/coller une pratique vue quelque part et de la marketer à son compte, pour être réellement innovant. Sans constat, sans prise de recul sur une situation, une problématique, et sans prise de conscience, il n'y pas d'innovation véritable.
Que même si on a conscience de ce qui précède, comme le fomulait Oscar Wilde : "On a conscience avant, on prend conscience après"...
Au final, l'innovation commence en effet par une prise de conscience, puis il s'agit de passer concrètement à l'action et de ne pas attendre qu'il soit trop tard : Innover en RH, c'est en tout état de cause, sa capacité à changer à la fois de perception et de réalité en matière de pratiques, de méthodes, d'approches, en regard des défis et enjeux RH actuels et à venir.